Comment faire face aux troubles alimentaires chez les jeunes
- Mélody Aknine
- 28 avr.
- 4 min de lecture

Les troubles alimentaires (anorexie, boulimie, hyperphagie, etc.) touchent de plus en plus de jeunes. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ils figurent aujourd’hui parmi les troubles psychiatriques les plus fréquents à l’adolescence. Ils surviennent souvent dans une période de vulnérabilité émotionnelle et peuvent être liés à de multiples facteurs : image corporelle négative, pressions sociales, stress, traumatismes, ou encore besoin de contrôle dans un monde perçu comme imprévisible.
La psychologue Catherine Grangeard souligne que « l’alimentation est souvent un langage silencieux de la souffrance adolescente. » Comprendre ce que cachent ces troubles est donc essentiel pour pouvoir accompagner efficacement les jeunes concernés.
Comprendre les troubles alimentaires
Un trouble alimentaire n’est jamais seulement une question de nourriture. Il traduit un profond mal-être intérieur. Il existe plusieurs formes principales :
L’anorexie mentale : caractérisée par une restriction alimentaire extrême, une peur intense de prendre du poids et une image corporelle déformée.
La boulimie : alternance de crises de consommation massive d’aliments et de comportements compensatoires (vomissements, sport excessif, jeûne).
L’hyperphagie boulimique : ingestion excessive de nourriture, sans comportements compensatoires systématiques, souvent associée à une grande culpabilité.
Ces troubles affectent non seulement le corps, mais aussi l'estime de soi, les relations sociales, la scolarité et la santé psychologique. Ils nécessitent une approche globale, incluant un suivi médical, nutritionnel et psychothérapeutique.
Repérer les signes d’un trouble alimentaire chez un jeune
Les troubles alimentaires évoluent souvent dans le secret. Certains signaux doivent alerter :
Changements brutaux dans les habitudes alimentaires (refus de manger avec les autres, obsession pour les « aliments sains »)
Perte ou gain rapide de poids
Pratique excessive de sport
Obsédations autour de l’apparence, commentaires fréquents sur le corps
Isolement social, irritabilité, tristesse
Comportements compulsifs (grignotage massif, cachette de nourriture)
Ces symptômes ne sont pas toujours faciles à interpréter car l’adolescence elle-même est une période de transformations corporelles. La vigilance des parents repose surtout sur l’observation d’un changement durable du comportement et du bien-être global.
Comment réagir en tant que parent ?
1. Instaurer un climat d’écoute sans jugements
Si vous suspectez un trouble alimentaire, il est important d’adresser vos inquiétudes sans accusation ni pression.
Exemple : « Je m’inquiète parce que je te sens moins en forme et j’ai remarqué que ton comportement alimentaire a changé. Est-ce que tu veux m’en parler ? »
Évitez les remarques sur l’apparence physique. Privilégiez l’expression de votre préoccupation pour son bien-être émotionnel.
2. Ne pas minimiser ou dramatiser
Dire « Ce n’est qu’une phase » ou au contraire paniquer et imposer des changements brusques peut aggraver la situation. Il est plus utile de reconnaître la difficulté et de proposer un soutien, tout en rappelant que de l’aide existe.
3. Chercher rapidement un accompagnement professionnel
Un trouble alimentaire n’est pas quelque chose que l’on peut « régler » seul, même avec beaucoup d’amour. Il est crucial d’impliquer des professionnels : médecin, psychologue spécialisé en troubles alimentaires, diététicien formé à la relation avec les adolescents.
Des auteurs comme Jean-Philippe Raynaud, pédopsychiatre, rappellent que plus la prise en charge est précoce, meilleures sont les chances de rétablissement.
4. Travailler en famille
Dans de nombreux cas, la famille est impliquée dans la thérapie (par exemple avec l’approche systémique). Il ne s’agit pas de désigner un coupable, mais de restaurer une communication plus apaisée et de soutenir ensemble l’adolescent.
Quelques conseils directement pour les adolescents
Si tu es adolescent.e et que tu lis cet article, sache que :
Tu n’es pas seul.e. Beaucoup de jeunes traversent ce type de difficulté, même si on n’en parle pas toujours.
Les troubles alimentaires ne sont pas une question de volonté ou de force de caractère. Ce sont des maladies qui nécessitent un accompagnement, comme toute autre maladie.
Parler de ce que tu ressens est le premier pas. Cela peut sembler effrayant, mais cela t’aidera à retrouver ta liberté intérieure.
Trouver un adulte en qui tu as confiance (parent, enseignant, médecin scolaire, infirmier.e scolaire) peut être une première étape pour sortir de l’isolement.
Comment soutenir au quotidien un jeune en difficulté alimentaire ?
Proposer des repas familiaux sans pression : sans commentaires sur les quantités mangées ou l’apparence physique.
Valoriser les qualités de l’adolescent en dehors du physique : ses compétences, ses passions, ses efforts.
Encourager les activités qui reconnectent au corps autrement : danse, théâtre, yoga, randonnée…
Travailler sur l’estime de soi : insister sur l’importance de ce que l’on est, et non de ce à quoi l’on ressemble.
Comme l’écrit Boris Cyrulnik, « Ce n’est pas l’événement traumatique qui détruit, mais l’absence de sens, l’absence de lien. » Le lien familial est donc essentiel dans la reconstruction.
Conclusion
Faire face aux troubles alimentaires chez les jeunes demande de la patience, beaucoup de douceur, et l’humilité de reconnaître que l’on ne peut pas tout contrôler. Les parents ont un rôle fondamental : offrir un espace sécurisé, ouvert, où l’adolescent peut exprimer ses angoisses sans peur d’être jugé.
Le chemin vers la guérison peut être long, mais il est tout à fait possible, surtout si l’on intervient tôt et que l’on s’entoure des bonnes ressources.
L’essentiel est de rappeler au jeune qu’il ou elle vaut bien plus que son apparence ou son poids. Ce message, répété inlassablement avec amour et constance, constitue la meilleure des fondations.
Ressources pour aller plus loin
Livres
Jean-Philippe Raynaud, Les troubles alimentaires chez l’enfant et l’adolescent
Catherine Grangeard, Corps en miettes : anorexie, boulimie, obésité
Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur (sur la résilience)
Podcasts
Métamorphose – épisodes sur la relation au corps et l’estime de soi
Les couilles sur la table – épisodes sur la pression sociale sur l’apparence
La voix de l’anorexie (podcast témoignages et soutien)
Sites et associations
AFDAS-TCA : Association Française pour le Développement des Approches Spécialisées des Troubles du Comportement Alimentaire
La Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB) : pour trouver un professionnel spécialisé
Comments