Comprendre et surmonter le syndrome de l’imposteur
- Mélody Aknine
- il y a 6 jours
- 4 min de lecture

Avoir le sentiment de ne pas être à la hauteur malgré des réussites objectives, croire que l’on a trompé son entourage sur ses compétences, redouter à tout moment d’être « démasqué »… Ce ressenti porte un nom : le syndrome de l’imposteur. Il touche une majorité de personnes à un moment de leur vie, et les adolescents comme les jeunes adultes n’y échappent pas.
Décrit pour la première fois en 1978 par les psychologues Pauline Clance et Suzanne Imes, ce phénomène psychologique n’est pas une pathologie mais un mécanisme d’auto-sabotage, souvent ancré dans l’enfance, qui peut fortement impacter la confiance en soi, la motivation et la santé mentale.
Comment le reconnaître ? Pourquoi certains enfants et adolescents y sont plus vulnérables ? Et surtout, comment les aider à le dépasser ? C’est ce que nous allons explorer dans cet article.
Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur ?
Le syndrome de l’imposteur, ou phénomène de l’imposture, désigne une incapacité persistante à s’approprier ses réussites. Les personnes concernées attribuent leur succès à des facteurs externes (la chance, l’indulgence des autres, un malentendu), et non à leurs compétences réelles.
Ce syndrome s’accompagne de pensées récurrentes comme :
« Je ne suis pas légitime »
« On va découvrir que je suis nul »
« Si j’ai réussi, c’est un coup de chance »
Selon les recherches de Clance (1985), les personnes concernées oscillent entre perfectionnisme, peur de l’échec, et besoin de prouver sans cesse leur valeur, ce qui peut les pousser à l’épuisement ou à l’évitement des situations qui pourraient révéler leur « incompétence ».
D’où vient ce sentiment d’imposture ?
Chez l’enfant ou l’adolescent, le sentiment d’imposture peut s’ancrer dès le plus jeune âge, notamment dans les contextes suivants :
Une éducation fondée sur la performance : lorsque l’amour semble conditionné à la réussite ou que les compliments ne valorisent que les résultats, l’enfant peut intégrer l’idée qu’il doit « mériter sa place ».
Des comparaisons fréquentes : entre frères et sœurs, à l’école ou dans les activités extrascolaires, elles peuvent renforcer un sentiment d’infériorité ou d’usurpation.
Un perfectionnisme parental ou personnel : le jeune développe une exigence irréaliste, dans laquelle il n’est jamais « assez » bien.
Un manque de valorisation authentique : lorsqu’on félicite l’enfant sans reconnaître ses efforts ou son cheminement, il peut penser qu’il a « trompé tout le monde ».
Comme le rappelle Albert Bandura, psychologue spécialiste de l’apprentissage social, la construction de l’estime de soi dépend largement du regard de l’autre et de la capacité à se sentir compétent dans des tâches données. Si ce processus est fragilisé, le sentiment d’illégitimité s’installe.
Comment se manifeste le syndrome de l’imposteur chez les jeunes ?
Chez les adolescents, ce phénomène peut se traduire par :
Une grande anxiété de performance : peur des examens, d’être interrogé à l’oral, de parler en public.
Un perfectionnisme excessif : ils refont leurs devoirs plusieurs fois, ne s’autorisent jamais l’erreur.
Un autodénigrement : ils dévalorisent systématiquement leurs réussites.
Un blocage ou une procrastination : pour éviter de faire face à un échec imaginaire.
Ils peuvent aussi exprimer une peur du regard des autres et une tendance à s’excuser d’exister, notamment dans des environnements compétitifs ou très normés.
Comment aider un jeune à dépasser ce sentiment ?
1. Valoriser l’effort plutôt que le résultat
Les recherches de Carol Dweck, spécialiste de la motivation, montrent que l’état d’esprit de croissance (growth mindset) est essentiel pour développer une image de soi stable. Il est donc préférable de féliciter l’enfant pour son investissement, sa progression, sa persévérance, et non uniquement pour la note ou le succès.
Exemple : « Tu as persévéré malgré tes doutes, c’est ça qui est vraiment remarquable. »
2. Identifier et déconstruire les pensées automatiques
Aidez le jeune à mettre à distance sa voix critique intérieure. Posez-lui des questions comme :
Quelles sont les preuves objectives de ton incompétence ?
Et les preuves de ta compétence ?
Si un ami te disait ce que tu viens de dire sur toi, que lui répondrais-tu ?
En thérapie cognitive, cette méthode permet de rééquilibrer le dialogue intérieur et de favoriser une vision plus juste de soi-même.
3. Encourager l’erreur comme apprentissage
Rappelons aux jeunes que se tromper est non seulement normal, mais indispensable pour progresser. Partagez vos propres erreurs. Montrez que l’on peut échouer sans être un échec.
4. Créer des environnements où l’on se sent autorisé à être soi
Un cadre bienveillant, où l’on est écouté sans étiquette de « bon » ou « mauvais », est essentiel. Évitez les comparaisons et les injonctions du type : « Tu pourrais faire mieux si tu voulais ».
5. Proposer un accompagnement psychologique si nécessaire
Si le syndrome de l’imposteur s’installe durablement et impacte l’épanouissement, un suivi psychologique peut s’avérer bénéfique. Des approches comme la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) ou la thérapie cognitive peuvent apporter des outils concrets pour renforcer l’estime de soi.
Un message pour les adolescents concernés
Si tu as parfois l’impression d’être « un imposteur », sache que tu n’es pas seul.e. Même des personnes célèbres, des scientifiques, des artistes, des médecins, en parlent ouvertement. Ce n’est pas une preuve de faiblesse, mais un signe que tu as des attentes très élevées envers toi.
Tu n’as pas à être parfait.e pour être légitime. Tes réussites comptent, même si tu as douté. Ton chemin est unique. N’aie pas peur d’en parler à un adulte ou à un professionnel. Être aidé, c’est aussi une forme de courage.
Conclusion
Le syndrome de l’imposteur est une expérience émotionnelle douloureuse, mais profondément humaine. En tant que parent ou éducateur, on peut jouer un rôle clé en aidant les jeunes à reconnaître leur valeur, leurs efforts, et à s’autoriser à exister pleinement sans toujours devoir « prouver » quelque chose.
L’important n’est pas de ne jamais douter, mais d’apprendre à vivre avec ses doutes… sans les laisser guider nos choix.
Ressources pour aller plus loin
Lectures
Pauline Rose Clance, The Impostor Phenomenon
Carol Dweck, Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite
Brené Brown, Le pouvoir de la vulnérabilité
Podcasts
Change ma vie – Épisodes sur la confiance en soi et le syndrome de l’imposteur
Les couilles sur la table – Épisodes sur les attentes de genre et la performance
Métamorphose – Témoignages inspirants sur l’acceptation de soi
Outils pratiques
Le test du « phénomène de l’imposteur » de Clance (en ligne)
Cahiers d’exercices sur l’estime de soi pour adolescents (éditions Jouvence)
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